Le président congolais Félix Tshisekedi a achevé sa tournée européenne, avec un passage obligé à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron. Mais sur le dossier brûlant de la crise sécuritaire à l’Est et du soutien du Rwanda aux terroristes du M23, quoi de concret Kinshasa devrait-elle attendre de la France ? “Rien”, lâche un analyste politique.
La raison ? “Un réalisme politique implacable qui dicte ses intérêts à la diplomatie française”. Et de poursuivre, “sur le terrain, malgré les démarches officielles, cette sorte d’offensive diplomatique menée de bon cœur et sans relâche par le président Tshisekedi, aucun résultat tangible n’est à espérer concernant d’éventuelles sanctions contre le Rwanda voisin.”
Cet analyste donne quelques signes parmi d’autres de ce double discours de la France :
“En 2018, la Rwandaise Louise Mushikiwabo a pris la présidence de l’Organisation internationale de la Francophonie. Son mandat a été renouvelé en 2022. Pourtant, depuis 2007, Kigali a relégué la langue française aux oubliettes dans les écoles et institutions publiques. À peine un mois avant la visite de Tshisekedi, Paris avait en effet signé un partenariat de 400 millions d’euros avec Kigali. Et au Mozambique, théâtre d’une insurrection djihadiste, les intérêts français sont préservés grâce au soutien militaire rwandais. Lors de sa présidence pour janvier 2024 au Conseil de sécurité, la France a accordé une priorité toute particulière aux dossiers concernant : la situation au Moyen-Orient, en Ukraine ou encore en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Elle a suivi également les renouvellements de mandats d’opérations de maintien de la paix arrivant à échéance. Mais absolument aucune mobilisation comme pour l’Ukraine, en faveur de la République démocratique du Congo”.
“C’est presque un rêve d’espérer un seul instant, un soutien de la France dans cette situation critique”, analyse un expert sous couvert d’anonymat. Et “il faut des actes, pas des discours creux”, tance un diplomate sous couvert d’anonymat. Et d’ajouter : “Sur cette base, le Congo ne peut rien espérer du Rwanda en termes de soutien sincère”.
Car en coulisses, les considérations géostratégiques priment sur les préoccupations humanitaires dans l’Est congolais. Depuis 1994 et le génocide rwandais, Kigali maintient Paris dans une position très inconfortable sur le rôle trouble de la France à l’époque.
Cette épée de Damoclès pousse certains observateurs à évoquer un “chantage” rwandais, savamment orchestré. Une accusation qui pèse lourdement sur la diplomatie française, redevable envers Kigali à la fois moralement et financièrement, selon eux.
Dans ce contexte, après les débâcles de la France au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la marge de manœuvre de Paris semble désormais de plus réduites pour satisfaire les attentes congolaises de sanctions contre Kigali. Une équation diplomatique d’une redoutable complexité à résoudre pour l’Élysée.
Nazali M. Tatu