La situation dans les maisons carcérales de la République démocratique du Congo laisse à désirer et la Province du Nord-Kivu ne fait pas l’exception. Un consortium de cinq (5) organisations dont FDAPID, Haki zangu, ADEC/DDH, BEDEWA et HPT a effectué un rapport de monitoring dans trois (3) prisons (celles de Walikale, Masisi et Munzenze de la ville de Goma) et le drame est « inimagimable ».
Invitées du café de presse de ce jeudi 14 septembre dans la ville de Goma, ces organisations fondent leur recherche à la suite d’une série d’alertes abordant les conditions dans les prisons en province, lesquelles méritent une attention particulière sur tous les plans : du nombre de détenus en dépassement qui accentue la promiscuité et expose davantage les prisonniers à des maladies jusqu’à la santé, nourrie par la malnutrition extrême qui aboutissent à des décès.
Situation dans les 3 prisons : Walikale, Masisi et Goma
La prison de Munzenze, initialement construite pour trois cents (300) mais regorge en ce jour 3 658 détenus. Dans ce chiffre, seulement « 697 personnes condamnées soit 19%. Nous avons dénombré 24 cas de décès de janvier au 7 septembre 2023 ». Cette situation est consécutive à la promiscuité accrue, couplée à une « insécurité alimentaire car les détenus mangent miraculeusement une fois par jour » et une « lourdeur administrative », qui ne favorise pas le desengorgement de cette maison carcérale. « Il s’observe une torture horizontale dans la prison. Il y a des prisonniers qui sont soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants ».
Le niveau d’accueil de la maison carcérale de Walikale s’est vu quant à lui, être multiplié par trois (3). Elle héberge 189 personnes dont 6 femmes et un nourrisson, à la place de 60 détenus attendus. 12 seulement connaissent leur sort. Du côté décès, 19 détenus ont perdu la vie de suite du manque d’un service médical. Ici, une mésentente s’observe entre les militaires déserteurs et des civils qui y sont incarcérés. « Les détenus sont exposés aux intempéries parce que le bâtiment est vétuste. Il y a même des serpents qui circulent librement dans les locaux ».
Dans cette prison, les hommes et les femmes sont mêlés dans les enceintes, « parce qu’il n’y a pas des cellules spécifiques aux femmes ». Aucun procès n’a été organisé depuis l’instauration de l’état de siège dans la province du Nord-Kivu, sans évoquer le fait que « les détenus mangent difficilement une fois par jour ».
À Masisi, c’est le calvaire. Si le nombre de prisonniers est inférieur, soit 93 détenus sur le 120 places prévues dont 77 y sont encore après la libération de certains et dont une seule personne est condamnée, la maison bat record du nombre de décès. De janvier au 7 septembre, « nous avons dénombré 43 personnes décédées dont 27 sont mortes entre janvier et avril et 16 entre avril et juillet » de cette année. Ces décès sont essentiellement dûs au fait que les détenus sont contraints de « brouter des herbes pour leur survie en prison ». Les latrines sont complètement bouchées, pas de matelas et des lits, des couvertures, sauf miracle, les prisonniers dorment ventre creux. « Les enfants et les adultes sont confondus dans les locaux de cette prison ».
Pistes de solution
Ce consortium propose une série de pistes de solution, selon les besoins de chaque maison carcérale.
À Munzenze par exemple, l’instauration d’un système de traitement des dossiers des détenus s’impose dans un délai court, « organisation régulière des audiences foraines afin de désengorger la prison ». La pratique « d’arrestation arbitraire » qui s’installe de plus en plus comme un mode de gouvernance, doit être levée et surtout, « garantir aux détenus une alimentation saine, digne et régulière et mettre fin aux actes de tortures physiques et psychologiques contre les prisonniers », du fait que « nos prisons souvent, quelqu’un peut y entrer pasteur mais il y quitte rebelle », suite au manque d’un programme de reéducation.
Pour la prison de Walikale, l’urgence de transfert des militaires vers Goma pour éviter des incidents malheureux dans cette maison carcérale, « il faut réhabiliter et équiper en toute urgence la prison de Walikale, l’approvisionner en eau potable et savon et augmenter le nombre d’agents », et l’organisation des audiences.
La garantie d’une bonne alimentation pour les détenus de la prison de Masisi s’avère une urgence capitale, un entretien global de la maison et l’équiper sans oublier son approvisionnement en nourriture et en savon, et l’instauration d’un système de santé de proximité.
Guerschom Mohammed Vicci