Le remaniement ministériel opéré par le président Paul Kagame mercredi 27 septembre, marque un tournant dans la gouvernance rwandaise. En nommant le général James Kabarebe au poste de ministre d’État chargé de la coopération régionale, Kagame replace un homme fort de son régime au coeur du dispositif étatique, un mois seulement après l’avoir mis à la retraite de l’armée.
Cette nomination interroge sur les ressorts profonds du pouvoir rwandais. Kabarebe a joué un rôle déterminant dans la prise de pouvoir du FPR de Kagame en 1994 et dans les guerres du Congo, des années 1990-2000. Son influence au sein de l’armée et des services de renseignement en faisait un acteur incontournable dans les coulisses du régime. Son départ de l’armée semblait ouvrir la voie à une transition générationnelle au sein de l’élite rwandaise.
Or, sa nomination au gouvernement démontre que Kagame souhaite maintenir les équilibres de pouvoir autour des élites historiques issues de l’appareil sécuritaire. Il s’agit probablement pour le président, de conserver la loyauté des réseaux militaro-politiques qui l’ont porté au pouvoir, dans un contexte régional volatile marqué par la persistance des groupes armés dans l’Est du Congo.
Derrière ce remaniement se joue donc une lutte d’influence sur fond de successions potentielles au sommet de l’État rwandais. Kagame cherche vraisemblablement à contrôler étroitement cette transition en la pilotant pas à pas, plutôt qu’en opérant une rupture générationnelle brutale.
Cette nomination pose également la question du rôle trouble joué par certains responsables rwandais dans la déstabilisation de l’Est du Congo via des groupes armés interposés. Le rapport récent des experts de l’ONU soulignant l’influence de Kabarebe sur le groupe M23, prend ainsi un relief particulier.
Au final, ce remaniement illustre la capacité de Paul Kagame à manoeuvrer habilement au sommet du pouvoir rwandais pour maintenir son emprise, tout en gérant prudemment l’après-Kagame. Loin d’être anodin, ce jeu subtil d’équilibres politiques et militaires sera déterminant pour l’avenir du Rwanda et de la région des Grands Lacs.
Pascal Nduyiri