La décision du président rwandais Paul Kagame de mettre à la retraite plusieurs hauts gradés de l’armée, dont certains de ses plus fidèles collaborateurs, interroge. Alors que son régime autoritaire semble solidement installé depuis plus de 20 ans, ce remaniement surprise pourrait en réalité anticiper l’après-Kagame.
Ces changements interviennent un mois après la nomination de sa fille, Ange Kagame, au sein de son cabinet. Certains y voient un signe de la préparation d’une potentielle succession dynastique mais éventuellement d’une expérience de gestion dans l’administration publique. Le président rwandais envisagerait de passer la main à sa fille à l’horizon 2024, lorsque la Constitution ne lui permettra plus de se représenter.
Dans cette optique, le départ des ténors de l’armée rwandaise arrange bien ses affaires. Ces généraux, piliers du régime, disposaient d’une influence susceptible de menacer le pouvoir encore fragile d’Ange Kagame, en cas de succession. Leur mise à l’écart est donc un moyen pour Paul Kagame, de s’assurer qu’ils ne feront pas obstacle à l’accession de sa fille à la magistrature suprême.
Ce scénario dynastique n’a encore rien d’acquis. Néanmoins, il s’inscrit dans une tendance préoccupante en Afrique de l’Est, où les enfants de chefs d’État sont de plus en plus propulsés au sommet de l’État. Au Rwanda, cette perspective suscite de vives inquiétudes au sein de la population, tant le bilan autoritaire du règne Kagame est lourd.
Plutôt que de préparer sa succession, le président ferait mieux de tirer les leçons de récents départs négociés de chefs d’État en Afrique de l’Ouest. Après plus de 20 ans à la tête du Rwanda, n’est-il pas temps pour Paul Kagame lui aussi d’organiser une transition apaisée et démocratique ? C’est le seul moyen d’éviter que l’histoire tragique de violence politique du Rwanda ne se répète.
Nazali M. Tatu