En ville de Butembo au Grand-Nord de la province du Nord-Kivu, le phénomène provocateur « Malera » ne cesse de s’imposer sur terrain depuis un certain temps moment, après celui de « Kirega », un phénomène qui aurait dans les jours avenirs, des conséquences psychologiques au sein de la communauté.
Contexte
« Malera » est tout d’abord une cellule du quartier Mukuna, situé à l’Est de la ville de Butembo dans la commune Bulengera. Le phénomène « Malera » ressort pour la première fois dans une note vocale de l’artiste musicien Mista Poa, après l’inauguration de l’hôtel moderne « Believe », le 17 décembre 2023.
Dans cette note vocale, Mista Poa avait indiqué que les jeunes de la cellule Malera « se sont baignés dans la piscine de cet hôtel avec des babouches, porteuses de la boue ». Cet élément sonore était plusieurs fois partagé sur les réseaux sociaux, ternissant ainsi l’image de la jeunesse de ce coins de la ville.
Cette situation faisait la une concomitamment avec celle du terme provocateur « Kirega », toujours sur les réseaux sociaux. Tout ce qui était mal à voir, était qualifié de « Rega ». Pourtant, la vraie prononciation et écriture est « Lega » [Lega].
Il s’agit d’une population forestière Bantoue d’Afrique centrale, établie principalement en République démocratique du Congo, jusqu’en altitude dans les monts Mitumba. Ce, à l’Est du fleuve Congo dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema. La langue de la communauté Lega est « Kilega », abusivement appelée « Kirega ».
Ce phénomène Lega prend fin en 2023 sur les réseaux sociaux et dans la communauté, alors que celui de « Malera » le remplaçait automatiquement. Le 11 août 2023, à l’occasion de la célébration du jubilé d’épiscopat (25 ans) de Monseigneur Sikuli Paluku Melchisédech, une autre note vocale circule sur les réseaux sociaux. Dans cette dernière, sont les jeunes de Malera qui sont pointés du doigt dans le vol des peaux des bœufs, jugulés à cette fin.
Mais cette fois, ce terme ne va pas perdurer sur les réseaux sociaux et dans la communauté. Il revient cependant en mars 2024, avec une grande force et s’installe dans la négativité, c’est-à-dire, tout le mal est une appartenance de « Malera ».
Le 17 mars 2024, après un crash raté d’un avion petit porteur de la compagnie Cetraca avion service (CAS), à l’aérodrome de Butembo, les jeunes de la cellule Malera sans soubassement, étaient accusés sur les réseaux sociaux, d’avoir volé le pneu de cet avion. Une rumeur retrouvée partout dans les groupes Whastapp, Facebook, Instagram voire TikTok.
« Quand on fait circuler ce genre de messages, cela rentre dans la discrimination. Je suis en train de voir les gens de là [ habitants de Malera, Ndlr ], être dans la difficulté de se présenter, d’être réellement des ressortissants de cette partie », indique John Paluku Kameta, président de la société civile communale de Bulengera.
Sur la rue, au centre ville de Butembo, comme aux environs « vous ne pouvez même pas faire 15 mètres sans attendre le nom « Malera » ». Sont uniquement « ce qu’on ne sait pas interpréter, qu’on colle à la connotation de notre « Malera ». Nous craignons une révolte qui peut être déclenchée à partir de ce terme provocateur », s’inquiète un jeune militant de Malera, qui a voulu parler sous anonymat.
Le phénomène « Malera », un impact négatif sur le bien-être mental !
Ce terme utilisé actuellement dans la comédie sur les réseaux sociaux, semble amusant et déstressant pour certains. Pour les habitants de cette partie de la ville, c’est un sérieux problème. Pour le psychologue Erasme Kakirania, ce phénomène impacte négativement sur la personne, émotionnellement pas stable. C’est entre autre la tranche d’âge de l’adolescence, la plus exposée par ce terme provocateur « Malera ».
« Ce sont des gens qui peuvent vraiment souffrir de ce phénomène dans le sens où, c’est une tranche d’âge où on cherche à s’affirmer et lorsque ce qui est mauvais, on l’oriente de ce côté là, vraiment, c’est déséquilibré l’affirmation de cette tranche d’âge, qui cherche à s’affirmer comme adulte et qui cherche à se positionner aussi comme membre de la communauté stable, au même titre que tout le monde. Et par conséquent, ce phénomène Malera peut impacter sur le bien-être mental de ces gens-là », démontre ce psychologue.
Il poursuit au même moment que « certains peuvent être frustrés, et cette frustration peut les amener inconsciemment à prendre la décision d’abandonner le quartier pour des quartiers qui ne sont pas stigmatisés, et tout cela fait que par exemple sur 100 personnes dans cette contrée-là, 80% constitués des adultes, peuvent considérer cela comme faits bénins mais peut-être pour 20%, cela peut avoir une répercussion pour le bien-être mental », rappelle Erasme Kakirania.
Ce qu’il faut faire !
Il note que c’est une pratique à décourager au sein de la communauté, pour « garder stable le mental des jeunes qui cherchent à se positionner pour un avenir meilleur et stable ». Certains seraient déjà selon le spécialiste, vulnérables de la stigmatisation qui passe par le phénomène « Malera ».
Pour redorer l’image de ce coin de la ville de Butembo, la société civile de Bulengera propose une considération sociale égale, un combat que devra mener toute la communauté vu que « nous ne pouvons pas accepter que l’on discrimine toute une cellule et donc, nous appelons à la discipline, à la tolérance, à la compréhension. Aussi, de cesser avec ces appellations qui ne nous amènent nulle part. Nous devons nous occuper des questions capitales. Cela trahirait d’ailleurs notre mentalité, quand on peut s’atteler à des questions qui n’ont pas de fondement, de sens ».
Ces messages virales sur les réseaux sociaux, montrent néanmoins que l’image d’une entité, une entreprise et une personnalité peut être détruite dans peu de temps.
« Les médias ont une puissance qui n’est plus à démontrer. Mais le risque, c’est quoi ? Nombreux parlent maintenant de « Malera » négativement, soit pour démontrer qu’il regroupe des femmes aux mœurs légères, soit pour divulguer des rumeurs sur quelconques vols […]. Le danger que représente la toute puissance des médias [ est le pouvoir de média, donc sa capacité à manipuler à loisir les esprits faibles, dans la communauté, Ndlr ] », rappelle l’Assistant Visesa Louangel, enseignant en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de l’assomption au Congo (UAC).
Un artiste musicien a dans une nouvelle chanson dénommée « Malera », démontré que cette entité « n’a rien fait du mal ». Dans certains groupes WhatsApp voire des groupes et pages Facebook, certains administrateurs commencent à supprimer tous les messages cadrant avec le phénomène provocateur « Malera ». C’est une des solutions qu’ils ont mises en place, pour tenter d’atténuer la virulence de ce terme, en défaveur des habitants de Malera.
D’où, sa réglementation et la sensibilisation sur l’utilisation responsable des outils de communication, s’avèrent indispensable pour lutter contre ce genre de phénomène au sein de la communauté. « Si Malera était une personne, elle serait toute détruite ».
Glodi Mirembe