La situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC) est bien plus complexe qu’elle n’y paraît au premier abord. Au-delà des enjeux nationaux, elle s’inscrit dans une dynamique régionale et internationale où l’influence occidentale joue un rôle crucial et souvent méconnu.
Si dans son allocution à la nation à l’occasion de la célébration du 64e anniversaire de l’indépendance du pays, le Président congolais a fait allusion à la complexité de la situation sécuritaire, il est crucial de comprendre le contenu de ses propos à la lumière de cette analyse.
L’Occident n’a pas intérêt à mettre fin aux invasions rwandaises devenues cycliques et flagrantes en RDC. Cette position et attitude de l’Occident ne serait pas seulement motivée par l’accès aux ressources minérales, mais surtout par le maintien de son influence dans la région des Grands Lacs.
Que pensez-vous qu’il se passera au Rwanda le jour où Kagame et le FPR perdront le pouvoir ? Évidemment, les Rwandais deviendront hostiles à l’Occident. Qu’en est-il de la RDC qui a perdu plus de 15 millions de personnes jusqu’à présent durant toutes ces guerres entretenues par le régime de Kigali ? Les Congolais autant que les Rwandais se sentiront tous trahis par l’Occident ?
La chute éventuelle du régime de Paul Kagame au Rwanda pourrait en effet, provoquer un effet domino qui déstabilisera l’équilibre géopolitique favorable aux intérêts occidentaux dans toute la région.
Dans l’eventualite où Kagame et son pouvoir s’effondrent au Rwanda, logiquement, Museveni suivra. Ce qui se passera au Rwanda provoquera un changement de pouvoir en Ouganda. C’est pourquoi, Museveni arme et soutien le M23 ! Maintenant, nous sommes d’accord que le Rwanda et la RDC auront le même sentiment envers l’Occident, n’est-ce pas ? Nous savons maintenant que le Burundi a dû se tourner vers la Russie, pour échapper aux coups d’État soutenus par le Rwanda et l’Occident. Nous savons aussi que la Tanzanie a soutenu le Burundi et que ce qui change au Rwanda affecte automatiquement l’Ouganda ! Combien de pays seraient unis maintenant ? Ce sont juste 5 nouveaux régimes unis par le même sentiment.
Alors, où se trouvera le Kenya ?Aujourd’hui, les Kényans manifestent contre le fait que leur pays soit dirigé par le FMI, la Banque mondiale et les États-unis. Donc, le Kenya, en tant que nation démocratique, rejoindra les nouveaux régimes. Où se situe maintenant le régime éthiopien ? Kagame, Museveni et l’Occident ont mené une guerre contre Abiy Ahmed, en utilisant la rébellion du Tigré pour capturer l’Éthiopie et l’utiliser contre tous les autres pays ; cela a échoué lamentablement. Pour leur survivre, Abiy a dû se tourner vers la Turquie et la Russie.
L’histoire récente de la région de Grands Lacs est marquée par des interventions occidentales controversées. La suite de l’histoire depuis 1994, partant du génocide au Rwanda a servi à diviser profondément le pays pour installer une dictature favorable à l’Occident. Cette stratégie aurait également facilité l’invasion de la RDC, entraînant des millions de morts (15 millions) supplémentaires.
La RDC a servi d’exemple bien longtemps avant l’Ouganda dans son approche humanitaire à l’égard des réfugiés. Accuser aujourd’hui la RDC d’héberger les FDLR qui prétendument menaceraient le pouvoir de Kigali, n’est qu’une falsification d’une partie de l’histoire. La RDC sur demande de la Communauté Internationale, avait accueilli volontiers les réfugiés qui ont fui les affres de la terreur au Rwanda en 1994.
Dans cette complexité, la chute potentielle des régimes rwandais et ougandais pourrait engendrer un sentiment anti-occidental dans toute la région. Ce changement affecterait non seulement le Rwanda et l’Ouganda, mais aussi le Burundi, la Tanzanie, le Kenya, et potentiellement l’Éthiopie. Une telle reconfiguration politique pourrait unir jusqu’à sept nations d’Afrique de l’Est contre l’exploitation occidentale, créant un bloc géopolitique hostile aux intérêts occidentaux.
Le conflit en RDC est en réalité, un élément d’une guerre silencieuse plus large pour le contrôle de l’Afrique. L’Occident chercherait à conquérir le continent en utilisant des dirigeants comme Kagame et Museveni et Ruto du Kenya, considérés comme des « marionnettes », pour maintenir son influence et son accès aux ressources.
Dans ce contexte, les efforts du président Tshisekedi pour obtenir le soutien occidental contre les agressions rwandaises pourraient s’avérer vains. Il est illusoire pour les congolais et Tshisekedi en premier, de penser que la RDC connaîtra la paix tant qu’un pays voisin sera armé par ces mêmes superpuissances auprès de qui il se tourne pour l’envahir.
Il faut une prise de conscience collective des Africains sur ces enjeux géopolitiques. Il est crucial de vérifier pour qui travaillent réellement leurs dirigeants, et de réfléchir aux conséquences d’une unité africaine qui ne servirait pas les intérêts du peuple.
Une approche régionale et panafricaine est envisageable pour résoudre la crise sécuritaire en RDC. Les dirigeants congolais sont appelés à dépasser les solutions nationales pour aborder la question dans sa dimension continentale, tout en restant vigilant face aux influences extérieures qui pourraient chercher à exploiter cette unité à leurs propres fins. Ceci justifierait en grande partie, la raison des incessants voyages de Tshisekedi au début de son mandat. Et il faut le lui reconnaître, ces voyages ont porté des fruits à moitié dans le panier. Ce qu’il faut maintenant, c’est un autre travail de fond qui accompagne les résultats de ces voyages.
Les congolais doivent mettre leur conflit de côté, rester unis et solidaire car l’avenir même de l’Afrique dépend des enjeux au Congo.
Ngabiwele N. Tatu