Dès érosion et inondations menacent des quartiers dans la ville de Butembo, en province du Nord-Kivu (RDC), durant cette période caractérisée par une vague de pluie : de nombreuses parcelles et nombreux ponts ont déjà disparu de la carte géographique de la ville, et plusieurs autres sont en voie de disparition.
Selon une enquête menée par le Parlement des jeunes de Butembo au mois de février 2025, plus de 100 parcelles n’existent plus sur la carte de la ville de Butembo, aux côtés de plus de 250 en voie de disparition, ainsi que des 33 petits ponts reliant différents quartiers et/ou cellules en état de délabrement très avancé, d’autres ayant déjà disparu.
Après une pluie torrentielle qui s’était abattue sur la ville de Butembo samedi 19 avril dernier, les statistiques des dégâts ont encore augmenté, d’après une enquête menée par le Parlement des jeunes.
« La pluie a causé beaucoup de dégâts, ce qui a fait que le nombre de parcelles disparues soit revu à la hausse. Nous sommes passés de 100 parcelles disparues à 109. Ce n’est pas encore la statistique complète de la ville de Butembo, parce que nous n’avons pas encore sillonné partout. Nous sommes passés de 35 ponts en voie de disparition à 47, si rien n’est fait par les autorités », explique Erikas Kyaviro, premier vice-président du Parlement des jeunes de Butembo.
Un habitant de la cellule Kadungu du quartier Rughenda en commune de Bulengera, témoigne du calvaire que traverse la population locale, confrontée au problème d’érosions. Selon lui, en l’espace d’une année seulement, plus de 20 parcelles ont disparu dans certaines cellules suite aux érosions.
« Cette érosion s’est aggravée, il y a une année. Avant, il y avait des ponts ici. Nous avons constaté que cette terre est plus constituée de chaux. Dès qu’il pleut, la chaux absorbe une grande quantité d’eau, ce qui entraîne des érosions. Ceux qui ont déménagé sont autour de 20 à 25. Certaines autorités réalisent des constats ici et d’autres arrivent pour leurs propres intérêts », renseigne-t-il.
D’après le chef de quartier Rughenda, l’érosion constitue l’une des préoccupations majeures dans cette entité de base. Kasereka Muhiwa Djef, alias Lumumba 3 affirme que la communication est déjà coupée entre son entité et d’autres quartiers de Bulengera, à cause des érosions qui emportent des ponts.
« Les parcelles sont déjà parties, les maisons sont déjà parties, les ponts n’existent plus, il n’y a plus de possibilité de communiquer », regrette le chef de quartier Rughenda.
Environnement dégradé : un danger croissant pour la communauté, surtout pour les enfants
Au mois d’avril, le Resau pour le droit de l’homme (REDHO), dans un document synthèse sur la situation sécuritaire de la ville de Butembo publié le 03 mai, a identifié 4 cas de décès dont deux par des éboulements de terre et deux enfants par noyade.
Le Parlement d’enfants Butembo-Lubero s’inquiète de cette menace liée à l’érosion et à l’inondation. Un acteur des droits des enfants dans la partie Est de la République démocratique du Congo et ancien président du Parlement d’enfants Butembo-Lubero alerte sur les dangers liés à la dégradation de plusieurs ponts dans la ville.
Reagean Bangahe cite par exemple un pont de la commune Kimemi, menacé de disparition bien qu’il soit encore utilisé par la communauté. Ce pont mène vers plusieurs écoles primaires et secondaires, dont l’Institut technique et agricole (ITAV), l’Institut Monseigneur Kataliko, en quittant plusieurs avenues du quartier Biondi. Ce pont mène également vers le centre de santé Basikila.

Cet acteur des droits des enfants pense qu’il est important que les autorités compétentes s’impliquent dans ce dossier, et trouvent des solutions durables pour la réhabilitation des différents ponts en état de délabrement. Il appelle les parents à renforcer la surveillance des enfants pendant la saison pluvieuse.
« C’est trop dangereux pour les enfants, ils sont exposés. Nombreux de ces ponts que vous voyez mènent vers les écoles. En les traversant, ces enfants courent vraiment des risques. Nous estimons qu’il est important que les autorités nous aident à sauver la vie des enfants. Il y a des cas de noyade que nous enregistrons, et les principales victimes sont des enfants. Chers parents, surveillez le mouvement des enfants lorsqu’il commence à pleuvoir. Rassurez-vous que votre enfant est au bon endroit », appelle cet acteur.
vers les pistes de solutions
Dans le souci de répondre tant soit peu à cette menace, le Parlement des jeunes de Butembo a lancé le 4 avril dernier, un projet de lutte contre les érosions. À l’occasion, plus de 70 plantes antiérosives ont été plantées dans le lit de la rivière Vihuli au quartier Rughenda par les jeunes parlementaires, accompagnés des autorités locales.

Ce projet sera élargi dans d’autres quartiers menacés par les érosions, selon le président du Parlement des jeunes de Butembo, l’honorable Maneno Mathe.
Face à cette menace, un environnementaliste appelle à mener de bonnes études topographiques avant toute construction sur un terrain. Jean-Pierre Kasma conseille également une bonne gestion des eaux de pluie, et la plantation de plantes antiérosives. Il appelle la population à la vigilance face aux inondations et aux menaces d’érosions.
« Pour faire face aux inondations aujourd’hui, c’est simple : il faut être prudent. Cela signifie surveiller comment les eaux sont réparties dans les parcelles, surveiller nos canaux qui conduisent l’eau vers le lit principal. Par rapport aux érosions, nous devons apprendre à faire des analyses, car il y a des sols qui sont naturellement érodifs. Il faut étudier ces paramètres. Nous devons aussi apprendre à gérer les eaux de pluie, en évitant trop de ruissellement dans les parcelles. Pour éviter cela, il faut installer de la végétation dans les parcelles. La végétation conseillée, c’est la pelouse, pour éviter l’infiltration de l’eau. Et l’eau qui vient de la toiture doit être collectée à partir de tanks », conseille Jean-Pierre Kasma.
Pour l’environnementaliste, les érosions et les inondations sont non seulement une conséquence climatique, mais aussi le résultat d’une mauvaise urbanisation. Il estime qu’il est préférable pour la population riveraine des rivières de déménager, afin d’éviter des dégâts humains et matériels en cas de fortes menaces d’inondations et d’érosions.
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Claudine Mulengya, depuis Butembo