Un vent de colère souffle parmi les candidats magistrats réservistes en République Démocratique du Congo (RDC). Alors que la liste des magistrats récemment nommés par ordonnance présidentielle fait l’objet de vives critiques, près de mille candidats réservistes issus du concours de recrutement de 2022, se disent « roulés » et victimes d’une injustice criante. Des accusations de corruption, de monnayage et de fraude dans l’élaboration de cette liste ont émergé, suscitant l’indignation et une mobilisation pour faire entendre leur voix.
Programmés pour être intégrés dans le lot de 2024 afin de compléter les 2 500 magistrats prévus pour renforcer le système judiciaire, ces candidats réservistes ont été stupéfaits de découvrir que leurs noms ne figuraient pas dans l’ordonnance présidentielle récemment publiée. À leur place, d’autres noms, absents des décisions officielles du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) proclamant les candidats ayant réussi au concours de 2022, ont été intégrés. « Nous avons été abandonnés, délaissés et trahis », déplore un candidat réserviste, qui préfère garder l’anonymat par crainte de représailles.
En effet, la décision n°14/SPCSM/P/PM/2022 du 2 novembre 2022, signée par le Secrétaire permanent du CSM, avait pourtant clairement établi une liste de réserve pour les candidats ayant réussi le concours mais non classés en ordre utile, en attendant des postes vacants. Cette liste, censée garantir une nomination progressive et équitable, semble avoir été ignorée au profit de critères opaques. « Certains réservistes ont été nommés, mais sur quelle base ? », s’interroge un autre candidat. « La décision du CSM stipule que les nominations doivent suivre l’ordre utile, mais cet ordre n’est pas respecté ».
Un cas emblématique
Pour illustrer cette injustice, un candidat occupant une certaine position sur la liste des réservistes témoigne : « Plus de 50 réservistes ont été nommés dans ce lot, et logiquement, je devrais être parmi eux car je suis parmi les 30 premiers. Mais mon nom a été écarté sans explication ». Ce cas n’est pas isolé. De nombreux autres candidats, bien placés sur la liste officielle, ont été supplantés par des individus dont les noms ne figurent même pas parmi les lauréats du concours, alimentant les soupçons de favoritisme et de corruption.
Ce lundi 7 avril débute l’assemblée générale du CSM, une réunion cruciale au cours de laquelle seront décidées des révocations, des mises à la retraite et des réaffectations de magistrats. Pour les candidats réservistes, c’est une opportunité de faire entendre leur cri de détresse. « Nous faisons du bruit pour que le magistrat suprême, le président Félix Tshisekedi soit informé de ces irrégularités, et intervienne pour rétablir la justice », explique un candidat. L’objectif poursuivit est de pousser les autorités à enquêter sur les pratiques douteuses entourant cette nomination, et à respecter les engagements pris envers les lauréats du concours de 2022.
Un système judiciaire en quête de crédibilité
Ce scandale intervient dans un contexte où le système judiciaire congolais est déjà sous le feu des critiques pour son manque de transparence et sa vulnérabilité à la corruption. Depuis son accession au pouvoir, le président Tshisekedi a fait de la réforme de la justice une priorité, notamment avec le recrutement de 5 000 nouveaux magistrats en deux phases (2023-2024 et 2024-2025). Pourtant, ces irrégularités risquent de ternir les efforts déployés pour redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions judiciaires.
« Nous ne demandons qu’une chose : que la méritocratie et la transparence prévalent. Nous avons travaillé dur pour réussir ce concours, et nous méritons notre place », insiste un autre candidat.
Alors que l’assemblée générale du CSM s’ouvre, tous les regards sont tournés vers cette institution clé du pouvoir judiciaire. La pression monte pour que des mesures concrètes soient prises afin de corriger ces injustices et restaurer l’intégrité d’un processus de nomination qui, pour l’heure, semble gangréné par des pratiques indignes d’un État de droit.
Le président Tshisekedi, souvent présenté comme un champion de la lutte contre la corruption, saura-t-il répondre à cet appel et redonner espoir à ces candidats lésés ? L’avenir du système judiciaire congolais pourrait bien en dépendre.
FNK