Depuis hier 25 juin 2024, le Kenya est secoué par une vague de protestations sans précédent. Des milliers de jeunes Kényans, s’identifiant comme la Génération Z, sont descendus dans les rues pour exprimer leur colère contre le projet de loi de finances 2024. Ce mouvement, largement relayé sur les réseaux sociaux sous le hashtag #RejectFinanceBill2024, met en lumière le mécontentement croissant de la population face aux mesures économiques du gouvernement.
Le projet de loi controversé prévoit notamment l’introduction d’une TVA de 16% sur de nombreux produits et services, ainsi qu’une taxe de 2,5% par an sur les véhicules privés. Ces mesures, perçues comme punitives par une large partie de la population, ont catalysé la frustration d’une jeunesse déjà confrontée à un chômage élevé et à des perspectives économiques limitées.
La mobilisation a rapidement pris de l’ampleur, avec des manifestants prenant d’assaut le siège du parlement et vandalisant des symboles du pouvoir. Face à l’escalade de la situation, les forces de l’ordre se sont trouvées dépassées, conduisant à l’intervention de l’armée en fin de soirée.
La réaction du président William Ruto a été ferme. Qualifiant les manifestants de « criminels », il a ordonné aux forces de sécurité de traquer les organisateurs du mouvement. Cette posture intransigeante risque cependant d’exacerber les tensions plutôt que de les apaiser.
L’ampleur et la rapidité avec lesquelles ce mouvement s’est propagé rappellent à bien des égards les prémices du Printemps arabe. Cette comparaison soulève des inquiétudes quant à une possible contagion régionale, notamment dans les pays voisins d’Afrique de l’Est.
Au Rwanda, où des élections sont prévues en juillet 2024, ces événements pourraient avoir des répercussions inattendues. Le président Paul Kagame, dont la position sur la crise en République démocratique du Congo a été soutenue par Ruto, pourrait voir sa légitimité remise en question. Les accusations de soutien aux rebelles du M23, étayées par plusieurs rapports de l’ONU, pourraient resurgir dans le débat public, influençant potentiellement le scrutin à venir.
En Ouganda, l’accès à Internet a été perturbé dans le but d’éviter toute contagion du mouvement kenyan. Cette démarche, si elle se confirmait, illustrerait la nervosité des régimes en place face à la montée en puissance d’une jeunesse connectée et revendicatrice.
La situation au Kenya pourrait donc avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières. Elle met en lumière les défis auxquels sont confrontés de nombreux pays africains : une jeunesse nombreuse et frustrée, des inégalités économiques croissantes, et des régimes politiques souvent peu enclins au dialogue.
Les jours à venir seront cruciaux. La manière dont le gouvernement kenyan gérera cette crise pourrait soit apaiser les tensions, soit les exacerber davantage. Dans tous les cas, ces événements marquent un tournant dans la région, révélant la fragilité des équilibres sociopolitiques et économiques en Afrique de l’Est.
La communauté internationale observe attentivement l’évolution de la situation, consciente que la stabilité de cette région stratégique pourrait être remise en question. L’issue de cette crise au Kenya pourrait bien déterminer l’avenir politique et social de toute l’Afrique de l’Est dans les mois et années à venir.
Nazali M. Tatu