Ce jour-là, mardi 26 juillet 2022. Il était prévu un culte, en vue de prier et pour la paix et pour les âmes des victimes des massacres dans la région de Beni au Nord-Kivu, et Irumu en Ituri. [Reportage]
Nombreux étaient des militants et habitants qui affluaient le stade André Vanvel, ex Matokeo pour ce culte organisé dans une journée sans activité par la société civile, coordination urbaine de Butembo et les mouvements citoyens, couplés aux groupes de pression.
Alors que les premières chorales chantaient, en attendant le sermon du prédicateur du jour, un soulèvement s’était observé dans le chef des habitants et militants, présents à ce culte au stade Matokeo.
Aux environs de 10 heures, subitement, c’est un silence qui ne dit pas son mot au stade. Les fils coupés, le générateur éteint par les personnes présentes en ce lieu, pourtant pour une prière.
Dans la foule, c’est une discussion de comparaison des manifestations en cours à cette période, à l’Est du pays.
Cet écho ressort dans la masse : « hatu pashwe fanya missa alors que Goma, biko na shuka mu bara bara juya ku sema MONUSCO i’ende », traduit en français « Nous ne pouvons pas organiser un culte alors qu’à Goma, les gens sont dans la rue pour le départ de la MONUSCO (Mission onusienne des Nations unies pour la stabilité du Congo, Ndlr) », ces propos, nous les avons tirés d’une vidéo achive qui d’ailleurs, avait circulé sur la toile.
Les organisateurs sont dépassés, le président urbain de la société tente d’appeler au calme mais en vain. Un culte s’est vite transformé en manifestations anti-MONUSCO.
Les manifestants déterminés pour le départ de la MONUSCO. Les militants du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA), suivis par ceux de la Véranda Mutsanga, et certains de l’Anti-gang accompagnés d’une marmaille d’habitants, prennent la direction de la base locale de la mission onusienne.
Drapeau de la République démocratique du Congo en main, tenu par ceux qui étaient au devant, ces derniers sur avenue Matokeo, scandaient des chants hostiles à la MONUSCO, tout en démontrant que cette mission « est passive » et qu’elle a « failli à sa mission ».
Quelques minutes après, c’est un retentissement des coups de feu. Les balles audibles sont réelles. Mais rien n’inquiète les manifestants. Ils sont déterminés à entrer dans la clôture des casques bleus, basée à Bel-Air.
Mais ici, tout semble compliqué pour les manifestants. Ils n’arrivent pas à accéder à l’enclos.
Alors que le crépitement des balles se poursuivait, la première victime tombe dans la foule.
(Photo droit de tiers, les manifestants en plein secour de l’une des victimes)
Il s’agit de monsieur Kambale Mutavangwa Moïse. Il est mort sur le champ, malgré une petite intervention de ses pairs. Le silence des coups de feu s’impose car les manifestants prennent soin de la victime.
La tension monte, la victime est morte. Comptés aux centaines, les manifestants prennent la direction de la morgue de l’hôpital Matanda. Dans la rue, ils transportent le corps de la victime sur une chaise marque locale, communément appelée « Je commence la vie » en trois places.
(les manifestants se dirigeants à l’hôpital Matanda après la mort de la première victime)Photo crédit: Glodi Mirembe
« Tu vois, c’est du sang dans mon T-shirt. Nous sommes déterminés. Nous n’allons pas arrêter les actions, jusqu’à ce que la MONUSCO parte de chez-nous », indique Salama Kaliki, militant de la LUCHA-Butembo.
De retour de la morgue, la ville était calme. Néanmoins, les proches de la victime se sont dirigés auprès de leurs familiers pour annoncer la nouvelle.
Militants ou Wazalendo dans les manifestations anti-MONUSCO ?
Les militants ne savaient à quel Saint se vouer. Au monument historique avant de monter à la base locale de la MONUSCO, les militants réfléchissaient sur « Comment bien répondre aux balles de la femme sniper », positionnée dans la cabine de surveillance des « soldats de la paix ».
Les journalistes en pleine couverture, étaient écartés de cette planification. Une partie des manifestants, après la prise des stratégies avait pris la direction de la MONUSCO.
Brusquement, les Wazalendo surgissent. Aux environs de 15 heures locales. Bien vêtus en civil avec des gros sacs à dos, le premier d’entre eux fait sortir une arme.
« Apparemment, c’est le type AK-47. Ce que nous voyons souvent à la télé quand il yva de présumés bandits à la police », nous a indiqué un habitant, qui avait vu les Wazalendo entrer en ville.
Mais le deuxième fait sortir une autre à la grande surprise des manifestants, alors que le premier mettait la peau sèche d’un chat qu’il nouait sur sa tête. Un retentissement sans précédent avait suivi après qu’ils se sont dirigés sur une ligne vers la base de la MONUSCO.
« Mwenye ana yuwa que ni tomate abakiye, na mwenye iko tayari ku pigana atufuate », traduit en français « Que celui qui reconnaît être une tomate, ne nous suive pas. Mais celui qui est prêt à combattre, qu’il nous suive », avaient-ils prévenu à certains habitants au VGH.
Quelques minutes après, la deuxième victime est dépêchée à l’hôpital. Des signes qu’il présente ne donnent pas espoir. Un peu plus tard, c’est la troisième victime, aussi dirigée à l’hôpital Matanda sur une moto du service d’urgence mise en place par les manifestants, en train de trop saigner.
« Ce jour-là est inoubliable pour moi, dans ma lutte. La troisième personne morte était à côté de moi. Je l’avais vu mourir en voulant le secourir. Quand je me rappelle, sont des larmes aux yeux », déclare Jean-Pierre Kasma, militant de la LUCHA.
En plein soleil, les agents des services de sécurité roulaient en pleine jeep sans s’ingérer dans cette affaire. Alors que les manifestants s’inquiétaient, après que près de six (6) personnes ont été repêchées et ont perdu la vie.
Au monument historique : « J’ai par surprise, vu un casque bleu et une tenue de la MONUSCO. Apparemment, il y avait aussi des morts dans l’autre camp », déclare Mbusa Masimengo. Une situation donnant de l’espoir aux manifestants.
Dans la suite des manifestations populaires, cinq (5) autres personnes avaient été également tuées par des balles réelles tirées selon plusieurs sources, par les Casques bleus. Ce qui donne en finale, onze (11) personnes mortes dans ces manifestations anti-MONUSCO à Butembo.
(exposition des 11 corps des victimes dans la cours de la morgue de l’hôpital Matanda) Crédit photo: Glodi Mirembe
Les échauffourées se sont arrêtées après la mort d’une sniper de la MONUSCO, qui était pointée du doit accusateur d’être à la base de plusieurs morts dans cette manifestation.
Les victimes, manifestants anti-MONUSCO ont été inhumés au cimetière de Kitatumba le 31 juillet 2022, après que la veillée mortuaire a été dispersée par les services de sécurité au monument historique de Butembo.
(Photo droit de tiers, tombes des victimes de la manifestation anti-MONUSCO à Butembo)
Dans la base de la MONUSCO, trois (3) casques bleus ont également perdu la vie, au cours de ces manifestations populaires.
La mission était ainsi sortie de la ville, quelques semaines seulement après cette action citoyenne. Elle est également partie du territoire de Lubero.
Un an après, une journée ville morte a été décrétée en mémoire des victimes de ces manifestations. Une messe a été dite à la paroisse catholique de Kitatumba, avant le dépôt des gerbes des fleurs sur les tombes des victimes au cimetière, qui porte le même nom.
Selon un bilan officiel du gouvernement, ces manifestations à l’Est du pays, précisément dans plusieurs villes et agglomérations du Nord-Kivu, avaient fait 36 morts, dont 4 casques bleus et près de 170 blessés.
Glodi Mirembe depuis Butembo