AFC-M23 à Goma : les promesses des « monts et merveilles » dans les tourments

28 janvier 2025-08 mai 2025, 100 jours soit trois mois et 10 jours sont passés depuis que la coalition rebelle de l’Alliance fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) contrôle la ville de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Les promesses de la paix et de la sécurité, de la stabilité et de la meilleure vie sont loin d’être réalisées, et les nouvelles autorités se retrouvent dans les tourments sans savoir quelle magie utilisée, quelle voie empruntée pour sortir la population du vide économique et à cela, concrétiser la promesse de sécurité sur laquelle elles s’étaient appuyées pour justifier leur entrée dans la ville de Goma.

À trois mois, les rebelles ont contraint les populations déplacées à quitter les camps et sites. Human rights watch regrette que ce retour « forcé » a poussé de nombreuses familles à prendre des risques élevés de revenir dans leurs entités, où les garanties sécuritaires et des assistances sont restées lettres mortes.

Sur le plan économique, la coalition AFC-M23 asphyxie davantage les populations locales. À Goma, les factures du courant électrique, notamment de la Société nationale d’électricité (Snel) par exemple, ont pris des allures inquiétantes. Alors que les factures ne dépassaient pas les 25 mille Francs congolais dans des maisons modestes, le prix du courant électrique a doublé voire triplé depuis l’arrivée du M23-AFC dans la ville de Goma.

La crise économique s’abat sur la ville de Goma. Des banques sont restées fermées depuis et les familles peinent à lier les deux bouts du mois, en raison du manque critique de la circulation de la monnaie et un taux d’échanges en constante variation.

Les maisons de transferts profitent de cette situation pour se refaire la santé financière. Un manque cruant des liquidités gouverne les transactions : le retrait en dollars américains n’est quasiment pas accepté et une fois fait, le taux de retrait varie entre 28 et 28 500 Francs congolais, alors que le taux d’échanges est compris entre 30 et 32 mille Francs congolais sur le marché. Le taux d’échange reste un facteur défaillant : depuis l’entrée du M23-AFC a Goma, le taux d’échange demeure variable.

La situation sécuritaire dans la ville de Goma est loin d’être en faveur du M23-AFC. Des crépitements de balles se font entendre même en pleine journée, et les nuits sont toujours sombres et convertes des incursions nocturnes des inconnus armés, qui font toujours la loi dans les quartiers environnants. Ici, les populations sont encore contraintes de passer des nuits blanches sous des coups de balles.

Des personnes sont toujours tuées dans la ville de Goma. Des morts sont enregistrés dans divers quartiers. Le plus douloureux a été l’assassinat brutal de l’artiste Delcat Idengo, tué le 13 février dernier au Nord de la capitale provinciale dans des circonstances qui restent à déterminer. D’autres morts sont comptés, même en pleine journée.

Durant les premiers jours de leur entrée, des véhicules des particuliers ont été emportés vers des destinations inconnues, des maisons des policiers et militaires, et des politiciens ont été « illégalement » occupés. Le camp Katindo appartient quant à lui à l’histoire.

La peur demeure visible. Nombreux peinent à composer avec la coalition AFC-M23 qui dirige la ville. Des interrogés ont laissé entendre leur inquiétude, affirmant ne pas savoir sur quel pied danser pour ne pas tomber dans l’infraction, malgré des efforts de la hiérarchie du mouvement rebelle de pousser la population à reprendre sa vie en toute quiétude.

Toujours sur le plan sécuritaire, deux incursions ont été enregistrées dans des structures sanitaires notamment à l’hôpital de Ndosho et de Kyeshero. Dans ce dernier, des morts ont été signalés après un passage des rebelles du M23-AFC.

L’économie et la sécurité étant en bernes, le social patauge. Les populations peinent à survivre avec un marché non favorable. Les produits agricoles et de première nécessité deviennent de plus en plus chers, défiant une faible circulation de la monnaie en raison des banques commerciales toujours fermées. Même la réouverture de la CADECO par le M23-AFC ne répond pas jusque-là au besoin.

Les conducteurs de transport en commun portent également leur peine : certains ont affirmé payer de nombreuses taxes de 2500 Francs congolais à chaque stationnement, ce qui constitue un manque à gagner pour ces travailleurs. Un d’entre eux a indiqué que par jour, il paye au moins 10 000 Francs congolais soit 2500 Francs/stationnement.

Le point éloquent : les travaux communautaires imposés par la Mairie de Goma font bon train. La ville retrouve peu à peu son image d’antan, après des événements troublants survenus entre le 27 et le 30 janvier dernier, marquant l’entrée du mouvement rebelle à Goma. Des signes positifs sont émis du côté de la mairie, laissant entrevoir une volonté affirmée du changement face au défi. Dans leur actif se trouve également le rétablissement du courant de la Snel dans la ville de Goma, après sa coupure le 22 janvier dernier suite aux affrontements avec les Forces armées de la République démocratique du Congo.

Le défi reste encore grand pour les nouvelles autorités, qui sont toujours en négociations avec Kinshasa à Doha au Qatar. Plus les jours passent, plus la situation se déteriore dans différents domaines de la vie des Gomatraciens et les habitants ne cessent d’attendre un bout du tunnel, une lumière dans cette vague sombre pour reprendre le cours de la vie.

Pour de nombreux habitants qui ont préféré garder l’anonymat, craignant pour leur sécurité, la vie s’est arrêtée le 28 janvier lors de l’entrée du M23-AFC dans la ville de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu.