La décision du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) de suspendre sa mission d’enquête sur les crimes commis depuis janvier 2022 dans l’Est du pays sonne comme un véritable coup de massue pour les victimes, et un signal alarmant pour l’avenir de la justice en RDC.
Cette suspension est motivée par une grave crise de liquidités qui frappe le HCDH, conséquence directe de l’arrêt de la contribution des États-Unis à son financement. Faute de moyens, l’ONU met donc fin à une mission essentielle, qui avait pour objectif de documenter les violations massives des droits humains dans une région livrée aux groupes armés. Ces derniers, responsables de massacres, de violences sexuelles systématiques, de déplacements forcés et d’enrôlement d’enfants soldats, opèrent désormais dans un vide d’observation internationale, qui risque de renforcer leur sentiment d’impunité.
L’absence d’enquêteurs onusiens sur le terrain réduit considérablement la capacité à identifier les auteurs de crimes, à documenter les atrocités, et à bâtir des dossiers judiciaires solides, que ce soit devant les tribunaux congolais ou devant les instances internationales. Elle prive aussi les survivants de ces violences d’une reconnaissance essentielle de leur souffrance et de la possibilité de voir justice rendue. Pire encore, cette décision est perçue par certaines communautés locales comme un abandon de la communauté internationale, renforçant le sentiment d’isolement et de trahison dans une région déjà marginalisée.
À l’échelle diplomatique, cette décision met également à mal la crédibilité des engagements internationaux en matière de droits humains. Elle expose les limites d’un système multilatéral trop dépendant des volontés politiques et financières de quelques grandes puissances. L’arrêt de la contribution américaine, dans un contexte global de repli stratégique, a un effet domino qui affaiblit la réponse internationale à des crises humanitaires majeures. Il ouvre aussi un espace pour d’autres puissances, moins soucieuses des droits humains, de renforcer leur influence dans la région.
Dans le climat actuel, cette suspension équivaut à offrir une « carte blanche » aux groupes armés qui sévissent dans l’Est de la RDC. Le message envoyé est clair : les crimes peuvent se poursuivre sans qu’aucun regard international ne vienne les exposer. Il revient désormais à la communauté internationale de corriger cette dérive, en réactivant urgemment les financements nécessaires ou en soutenant des mécanismes alternatifs de documentation et de justice.
Sans cette vigilance, l’impunité deviendra la norme, et l’espoir de paix et de justice pour des millions de Congolais s’éloignera un peu plus.
Franck Tatu