La situation concernant les terres de Nzulo, situées à proximité du Parc national des Virunga en République démocratique du Congo, est marquée par un conflit juridique et territorial entre l’État congolais, représenté par l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et les habitants du village, qui revendiquent leurs droits de propriété.
Le conflit entre l’Institut congolais pour la conservation de la nature et les habitants de Nzulo, un village situé dans le territoire de Masisi dans la province du Nord-Kivu, trouve ses racines dans des promesses non tenues, et des revendications territoriales.
Ce village a été fondé en 1812, tandis que le Parc national des Virunga (PNVI) a été établi en 1925. Les habitants de Nzulo affirment que leurs ancêtres ont toujours habité sur ces terres, et contestent les réclamations de l’ICCN qui considère une grande partie de Nzulo, comme faisant partie intégrante du parc.
Contexte Juridique :
Selon un acte notarié de gestion des droits indigènes daté du 1er avril 1948, l’État congolais est reconnu comme propriétaire de 172 hectares annexés au Parc national des Virunga. En revanche, les habitants de Nzulo revendiquent la propriété d’environ 1110 hectares de terres qui, selon eux, ne font pas partie du Parc. Ils soutiennent que ces terres leur appartiennent légalement, et que l’État n’a jamais indemnisé la population pour l’annexion de 172 hectares.
Origine du conflit :
Le conflit remonte à des accords historiques passés entre la population locale et le premier conservateur du PNVi, Albert. Selon les témoignages des anciens, Albert aurait demandé à la communauté de céder une partie de leurs terres pour permettre aux animaux d’accéder à l’eau du lac Kivu, en échange de promesses d’infrastructures telles que des routes et des hôpitaux. Ces promesses n’ont jamais été tenues, alimentant ainsi le ressentiment des habitants envers l’ICCN.
Les habitants de Nzulo, comme Bulondo Musemakweli, âgé de 81 ans, affirment avec force leur droit à la terre, déclarant qu’ils ne sont pas prêts à abandonner leur village ancestral face à ce qu’ils perçoivent comme une tentative d’escroquerie. Les manifestations récentes montrent que la population est déterminée à défendre ses droits, même au prix d’une confrontation avec les forces de l’ordre.
Position de l’ICCN :
L’ICCN conteste fermement les revendications des habitants de Nzulo. L’Institut affirme que toutes les terres de Nzulo, à l’exception de certaines collines (Kabazana, Mihonga et Kitwaru), sont intégrées dans les limites du Parc national des Virunga. En mai 1995, un arrêté a été pris pour modifier les limites du Parc, renforçant ainsi la position de l’ICCN sur la propriété des terres.
Campagne “Nzulo n’est pas à vendre” :
En réponse aux revendications des habitants, l’ICCN a lancé une campagne intitulée “Nzulo n’est pas à vendre”, visant à sensibiliser le public sur la nécessité de protéger ces terres contre la vente illégale. Cette campagne souligne que toute tentative d’obtenir des titres fonciers sur ces terres est illégale et en violation des lois sur la conservation.
L’ICCN a lancé cette campagne visant à sensibiliser les habitants sur la protection des terres considérées comme faisant partie du Parc. Cette initiative vise à prévenir la vente illégale des terres, et à rappeler aux habitants que certaines zones sont sous la gestion de l’ICCN. Cependant, cette campagne est largement rejetée par les habitants, qui la qualifient “d’injuste” et “sans fondement”.
Réactions des habitants :
Les habitants de Nzulo affirment que leurs droits sont légitimes, et soutiennent qu’ils ont remporté plusieurs victoires judiciaires contre l’État. Ils dénoncent la campagne de l’ICCN, affirmant que les décisions judiciaires reconnaissent leur droit de propriété sur les 1110 hectares.
Les autochtones dénoncent également ce qu’ils appellent une manipulation par des personnes corrompues, cherchant à vendre leur terre ancestrale. Ils affirment avoir remporté plusieurs victoires judiciaires qui confirment leur droit de propriété sur ces terres.
Réactions et Mobilisation :
Face à cette situation tendue, les habitants se mobilisent pour défendre leurs droits. Des manifestations ont eu lieu récemment, où les participants ont exprimé leur volonté de lutter pour conserver leur terre. Des figures locales comme Bahati Jeannot, ont déclaré qu’ils étaient prêts à descendre dans la rue pour faire entendre leur voix, jusqu’à Goma si nécessaire.
Conclusion :
Le conflit autour des terres de Nzulo illustre une lutte complexe entre la conservation environnementale et les droits fonciers locaux. Les actions de l’ICCN visent à protéger le Parc national des Virunga, tout en soulevant des questions importantes sur les droits historiques et contemporains des populations locales.
La situation reste tendue et pourrait nécessiter une médiation pour parvenir à une solution équitable, qui respecte à la fois les impératifs de conservation et les droits des autochtones.
Yannick Warangasi, à Goma