Les violences du 30 août 2023 à Goma, ont placé les autorités congolaises dans une situation extrêmement délicate, tiraillées entre des impératifs contradictoires. D’un côté, elles se devaient de protéger la population de Goma, victime de la colère incontrôlée des manifestants. De l’autre, elles étaient tenues par leurs engagements envers la MONUSCO, de garantir la sécurité des Casques bleus en vertu du SOFA, signé entre Kinshasa et l’ONU.
Cette manifestation, partie d’un ras-le-bol compréhensible contre l’incapacité de la mission onusienne après 25 ans à ramener la paix dans l’Est du pays, a été récupérée par des agitateurs politiques. Leur objectif était de pousser à des dérapages pour ensuite accuser les autorités en place, à commencer par le gouverneur militaire de la province. S’ils ont réussi pour le dérapage, le temps nous le dira en ce qui concerne la tête de Constant Ndima.
Placé à la tête de la province dans le cadre de l’état de siège, ce dernier se retrouve en première ligne. Ses détracteurs réclament depuis la fin de cette mesure exceptionnelle, l’accusant d’avoir échoué à contenir la situation. Pourtant, sa marge de manœuvre était extrêmement réduite. Réprimée dans le sang, ce qui était au départ une manifestation pacifique, aurait été un scandale. Néanmoins, dans le même temps, laisser libre cours à la vindicte de la foule contre les Casques bleus, revenait à violer les accords avec l’ONU.
Le gouvernement congolais se retrouvait ainsi pris en tenailles entre des impératifs qu’il ne pouvait concilier : protéger sa population tout en respectant ses obligations internationales. Son échec patent risquant de le fragiliser durablement, d’autant que la communauté internationale se montre elle-même divisée.
Dans son communiqué, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à une enquête. « Il faut qu’il y ait une enquête… et que les auteurs soient traduits en justice », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Bureau des droits de l’homme de l’ONU, aux journalistes à Genève.
À l’inverse, la cheffe de la MONUSCO Bintou Keita a clairement pointé un “incident malheureux” qui aurait pu être évité, si les forces de l’ordre avaient mieux encadré la marche.
Ces déclarations aux tonalités différentes reflètent les tensions au sein même de la communauté internationale et des Nations unies.
Elles placent les autorités congolaises sous une pression contradictoire, certains acteurs minimisant leur responsabilité, d’autres l’exagérant.
Seule une enquête indépendante et impartiale permettra de faire la lumière sur les dysfonctionnements et les éventuelles complicités, ayant rendu possible un tel drame. Les autorités congolaises gagneraient à demander la mise en place d’une telle commission d’enquête, pour espérer ensuite trouver une issue politique à cette crise.
En attendant, l’état de siège reste en vigueur, n’en déplaise ceux qui réclament sa levée. Pris entre le marteau de la colère de la population et l’enclume des pressions onusiennes, il doit impérativement trouver une porte de sortie politique, pour éviter que la situation ne dégénère plus avant.
Nazali M. Tatu