« La guerre se passe à 2000 kilomètres ». Cette phrase de l’inspecteur général de finances, Jules Alingete devant les investisseurs étrangers passait une fois comme une insulte. Ça l’était, oui et ça l’est toujours. La montée en puissance de l’armée tant vanté par Kinshasa, ne reste jusqu’à présent que sur les lèvres sans aucun effet sur le terrain.
La guerre devient de plus en plus un vécu quotidien dans les territoires de Rutshuru, de Nyiragongo et de Masisi. Dans ce dernier territoire, les terroristes du Mouvement du 23 mars, (M23) supplétifs de l’armée rwandaise (RDF) avec la complicité de l’Alliance fleuve Congo (AFC) du traître Corneille Nangaa ne cessent de conquérir des espaces et dont le dernier et qui fait plus mal, c’est le village Shasha dans le groupement Mufunyi, bloquant ainsi le passage pour la province soeur du Sud-Kivu.
La réalité : la ville de Goma est désormais totalement coupée du reste de la province du Nord-Kivu et par ricochet, complètement asphyxiée. Seule la voie lacustre reste ouverte. La seule voie terrestre qui approvisionnait la ville, est désormais occupée par les terroristes qui ont conséquemment élargi leur zone. Ce qu’on ne dit pas : de nombreuses familles dont des femmes enceintes et des enfants en âge d’études, se déplacent ça-et-là du jour au lendemain, s’éloignant de la zone de combats qui risque de les rattraper dans leur fuite.
« Légèreté », c’est tout ce qui revient au cerveau quand on veut analyser la manière dont Kinshasa gère cette question. Depuis, des changements font des rotations dans la chaîne de commandement des unités des Forces armées de la République démocratique du Congo mais sur le terrain, aucun résultat. Kinshasa et l’armée ne se limitent qu’à dénoncer le renforcement en effectif et en munitions, à l’exemple des propos du ministre de la Défense nationale, Jean-Pierre Bemba lors du dernier conseil des ministres de vendredi.
Que doivent les FARDC si ce n’est que pleurniché et accompagné un gouvernement bien vêtu dans la peau de la société civile : toutes ces trois catégories dénoncent. Seuls des équipements militaires et de nouvelles tenues ont été dotés aux Forces armées de la République démocratique du Congo mais dans le feu de l’action, rien. Les terroristes du M23/RDF avancent, le gouvernement et l’armée multiplient des déclarations.
Dans le fond, on croirait bien que Kinshasa s’investit avec sa propagande diplomatique pour obtenir des dénonciations, lesquelles n’ont aucune incidence sur le terrain. Des millions de dollars américains sont introduits pour subventionner les Forces régionales. La leçon apprise de l’EAC-RF n’a pas été comprise, la Samidrc (force de la SADC) la succède. Cette nouvelle force annoncée tambour battant « offensive », assiste elle aussi à l’avancée des terroristes. La « moindre escarmouche » tant annoncée, la ville de Goma a été touchée par une bombe la semaine écoulée (2 blessés au quartier Mugunga et deux maisons totalement endommagées), mais rien. Kinshasa maintient son silence comme « la guerre se passe à 2000 km ».
Les résistants patriotes communément appelés « Wazalendo » font leur part mais à quel prix. Ces groupes d’autodéfense combattent sans relâche jusqu’au sacrifice suprême aux côtés des FARDC mais ce qui est pire voire désolant, ils manquent même à manger sans parler des munitions suffisantes pour stopper l’agresseur. Comme l’armée loyaliste, ils ont aussi débuté leur étape de « repli stratégique ». L’engagement ne suffit pas, il faut des moyens pour bien mener une guerre. Pourtant, ils avaient démontré qu’ils étaient capables en octobre 2023, en allant conquérir jusque la cité stratégique de Kitshanga des mains du M23. Si tout était mis à leur disposition, le dossier M23 serait peut être déjà clos.
La patience a une limite et Kinshasa devra arrêter à entretenir le flou, le silence, le laxisme et la léthargie si elle ne tient pas à négocier dans les prochains jours. Le M23/RDF a déjà démontré sa stratégique : elle consiste à l’encerclement de Goma, pour lui couper de toutes les sources d’approvisionnement. La guerre fait toujours des victimes mais il est temps que Kinshasa change de fusil d’épaule pour finir avec cette guerre, qui n’a que longtemps duré.
Guerschom Mohammed Vicci