La Cour d’appel de Bruxelles a donné raison le 02 décembre dernier, à cinq femmes nées d’une mère noire et d’un père blanc durant le colonisation en RDC.
Parmi celles-ci, Léa Tavares Mujinga, Monique Bitu Bingi, Noelle Verbeken, Simone Ngalula et Marie-José Losh qui furent enlevées, placées dans des institutions religieuses, puis abandonnées à leur sort au moment de l’indépendance du pays, en juin 1960.
Les juges ont estimé que l’État belge s’était rendu coupable de « crime contre l’humanité » à l’égard de cinq femmes de part la conception du métis ou mulâtres (Ancienne appellation, Ndlr), qui symbolisait l’injure ou la malédiction car un enfant issu de la rencontre métaphorique entre le cheval et la mule, selon les autorités politiques et religieuses de l’époque.
A ce sujet, le Professeur ordinaire Jacky Mpungu Mulenda Saidi de l’Université de Lubumbashi (UniLu), auteur du livre “Carte d’identité” qui retrace l’histoire du mulâtre en RDC, a accordé une interview exclusive à AGORAGRANDSLACS.NET
*AGORA* : Professeur Jacky Mpungu, qu’est-ce-qui était à la base de tant de souffrances et de traumatismes indissibles d’apatridie culturelle du mulâtre : les colons, les métis eux-mêmes ou les noirs ?
PO Jacky Mpungu : Le colon, bien-sûr. Il était à la conquête, il était un aventurier et a pris une femme noire comme son objectif sexuel. Qu’ira-t-il faire avec une noire qui ne ressemble pas à sa femme blanche à la fin de son aventure ? Comment cette femme noire devrait-elle être acceptée en Europe ? La chose la plus douloureuse, c’est qu’à l’époque, l’administration belge ne permettait pas aux femmes noires de garder leurs enfants mulâtres, et c’est ce qui a justifié beaucoup d’abus.
AGORA : La 2ème République a-t-elle été un moment sombre ou de pire histoire du traitement réservé aux mulâtres ?
PO Jacky Mpungu : Oui, avec la chute ou la fin de la deuxième République. Mais pourtant, toute la deuxième République fut la plus tolérante et la plus favorable à l’union des races. Mobutu n’a pas fait la stigmatisation des métisses. Pour Mobutu, ce qui était intéressant : Qui que vous soyez, si vous chantez le djalelo, vous êtes zaïrois. Avec son idée de l’État-Nation, Mobutu avait étouffé le tribalisme parce qu’il avait la maîtrise du contour ou de la situation du Zaïre.
AGORA : 60 ans après, quelle différence dans le traitement de cette race humaine en RDC ?
PO Jacky Mpungu : Oui, il y a une différence, forte différence d’ailleurs parce que les choses ont évolué. Les Congolais n’aiment plus perdre ses enfants, et nous nous sentons enfant de la patrie, et suffisamment accepté pour ne pas développer de nouveau complexe.
AGORA : Qu’est-ce qui a le plus choqué le métis congolais durant les 60 dernières années ?
PO Jacky Mpungu : Ces discours portant sur la congolité, bien-sûr. Parce que ce sont des discours qui manquent de justesse dans leur paradigme. Quand on parle de “sentiment partagé”, on ne devrait pas uniquement viser les métis. Les mixités se sont faites tout le long de nos frontières et ces enfants sont aussi noires, pas seulement les métis. C’est choquant parce que c’est stigmatisé une couleur de peau, alors que le paradigme, c’est le patriotisme et non la couleur.
Propos recueillis par Marcus Akenda